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Lors de l’exposition sur les Babylabs qui a eu lieu cette année au Palais de la Découverte, nous avons proposé aux visiteurs de tous âges de prendre part à l’une de nos études portant sur la perception des formes. Pour les enfants les plus jeunes, nous avons également proposé cette étude au sein de notre laboratoire. L’étude se présentait sous la forme d’un jeu sur tablette très court, d’environ 5 à 10 minutes. Les participants étaient invités à catégoriser différentes formes proposées en fonction de leur perception spontanée. 
Nous souhaitions proposer cette étude au plus grand nombre afin de voir si nous observions des différences au cours du développement. Les enfants de 3 ans sont-ils sensibles aux mêmes indices ou propriétés des forme que les adolescents de 13 ans ou encore les adultes ? Certaines études suggèrent que les jeunes enfants analysent initialement les formes en termes de longueurs et de distances, mais pas d’angle. Cette dernière propriété apparaîtrait vers l’âge de 6-7 ans, ainsi que la notion d’angle droit. 
L’étude se déroulait en deux temps. Dans un premier temps, nous présentions deux formes qui différaient sous deux aspects différents: l’ouverture de l’angle d’une part, et la longueur des branches ou l’écart entre l’extrémité des branches d’autre part (figure 1). 

Figure 1 : Exemples de  formes présentées dans la première partie de l’étude. À gauche, la longueur des branches et l’ouverture de l’angle varient mais pas l’écart entre le bout des branches. À droite, dans une autre version, les deux formes varient sur les dimensions de l’écart entre le bout des branches et l’ouverture de l’angle. La longueur des branches reste quant à elle similaire entre les formes. 

Le but étant de trouver dans quelle boite (jaune ou verte) chacune de ces deux formes devait se ranger. Sans donner d’information sur les propriétés particulières des formes, l’expérimentateur faisait apprendre la règle de rangement en montrant quelques exemples. Le participant pouvait alors se créer mentalement sa propre règle de catégorisation. Par exemple « lorsque la forme a de grandes branches, elle se range dans la boite verte, et lorsque la forme présente de petites branches, elle va alors dans la boite jaune». Mais le participant pouvait tout autant, avec les mêmes formes présentées, se créer la règle suivante : « lorsque la forme a un petit angle, elle se range dans la boîte verte, et lorsqu’elle présente un grand angle, elle va dans la boite jaune» (figure 2). Les deux règles étaient correctes. Puis nous laissions le participant s’entraîner au choix des boîtes avec ces deux mêmes formes.

Figure 2 : Suite à la démonstration, le participant se crée sa règle mentale à partir de la dimension à laquelle il aura été le plus sensible. Ici, soit la longueur des branches, soit l’ouverture de l’angle.

Enfin, venait la deuxième phase dans laquelle étaient ajoutées d’autres formes. Dans ces nouvelles formes, l’angle et la longueur des branches (ou l’écart entre les deux branches) variaient de manière indépendante. Ainsi le choix de rangement effectué pour ces formes nous permettait de savoir quelle était la règle spontanément choisie par le participant. Par exemple, la forme présentée en figure 3 devra être rangée dans la boîte jaune si on s’intéresse aux angles, ou dans la boîte verte si on s’intéresse aux longueurs des branches.

Figure 3 : Lors de la seconde phase, le participant choisira la boite correspondant à la nouvelle forme en fonction de la dimension à laquelle il a été le plus sensible. 
Dans le choix 1, la personne suit la règle selon laquelle les « grands angles » vont dans la boite jaune. Dans le choix 2, la personne aura préféré la règle indiquant que les « grandes branches » vont dans la boite verte.

Figure 4 : De la même façon, avec cette nouvelle forme, le participant aura deux choix. 
Dans le premier cas (Choix 1), la personne suit la règle selon laquelle les « petits angles » vont dans la boite verte. Dans le choix 2, la personne suit la règle indiquant que les « petites branches » vont dans la boite jaune.

Notre questionnement était de savoir à quelle dimension de la forme (angle, longueur, distance) les participants ont été le plus sensibles spontanément pour faire leur choix.
Nous retrouvons tout d’abord, à tous les âges, des personnes qui ont classifié en fonction de l’une de ces trois dimensions, et d’autres n’ayant pas suivi de classification particulière ou suivant des critères non attendus, tel que l’orientation des formes. Cela nous apporte des informations complémentaires sur les indices pris en compte spontanément par les participants.
Sur la version de l’étude dans laquelle les participants avaient le choix entre distance et angle (figure 5), nous observons que les personnes, à tout âge, choisissent très peu la distance. La distance est de fait la dimension la moins utilisée pour catégoriser, et ce, à tous les âges et pour toutes dimensions confondues (figures 5 et 6). 

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Figure 5 : Pourcentages de personnes ayant choisi la distance ou l’angle comme critère de catégorisation sur les formes présentées.

Par ailleurs, les résultats nous montrent que le nombre de personnes qui choisissent l’angle comme critère de catégorisation augmente au cours du développement et se stabilise vers l’âge de 12 ans.
Nous retrouvons ce même résultat sur la deuxième version de l’expérience, où les participants avaient le choix entre angle et longueur: ici encore, le nombre de participants qui catégorisent par rapport à l’angle augmente au cours du développement et se stabilise à 12 ans (figure 6). Sur cette même illustration, nous pouvons observer que pour tous les âges, environ un quart des personnes choisissent de catégoriser en fonction de la longueur des branches. Ce résultat est très intéressant car indépendant de l’âge des personnes. Cette sensibilité semble donc être présente très tôt dans le développement et stable au cours du temps. 

Figure 6 : Pourcentages de personnes ayant choisi la longueur  ou l’angle comme critère de catégorisation sur les formes présentées.

Une autre manière de considérer ces résultats consiste à analyser ce qu’il se passe au sein de chaque groupe d’âge. On voit par exemple que la grande majorité des adultes perçoivent les formes de la même manière, c’est-à-dire principalement l’angle. Chez les enfants, il existe beaucoup plus de variabilité. Si on s’adresse à un enfant très jeune, en maternelle, selon l’enfant, il va plutôt être sensible à la longueur, ou à l’angle, voire même à d’autres aspects des formes. Il est sans doute important de le savoir pour le prendre en compte dans nos différentes interactions avec les enfants.
Nous remercions encore tous les participants (plus de 800 personnes, de 3 à 81 ans !) pour leur collaboration à cette très grande expérience ainsi que pour leur vif intérêt qu’ils n’ont pas manqué de nous manifester !

 L. Martin, E. Hammouda, V. Izard